Il en avait assez. Il était planté au même endroit depuis des décennies, avec pour seule compagnie un aîné. Un aîné qui lui chantait les louanges d’une croissance lente mais sûre pour aller toucher le ciel…un jour ! Lui n’en avait que faire. Il voulait aller ailleurs, rencontrer ce groupe d’arbres, au loin, pour commencer.
L’aîné était un rabat-joie. Il voulait se faire passer pour son mentor et lui servir de modèle. Il disait que pour bien tenir debout, stable et en toute sécurité, il devait développer ses racines avec autant d’attention qu’il s’élevait en renforçant son tronc. Que c’était le but de leur raison d’être !
Oui, toucher les étoiles était très tentant mais lui, ce à quoi il aspirait, était de toucher l’horizon. Et il avait compris que le bout du bout de ses branches n’y parviendrait jamais.
Seule solution, tirer sur ses racines pour les sortir de la terre et se déplacer. « Te déraciner, tu veux dire ! » s’offusqua l’aîné en frémissant de toutes ses feuilles. « Tu iras à ta perte ! ».
Ou vers mon salut se réjouissait le plus jeune. Imiter les anciens pouvait se révéler très limitatif, emprisonnant même. Malgré tout le respect dû à leur grand âge et à la sagesse dont il se vantait, l’aîné était…vieux. Il avait des vieilles idées.
Il commença donc à tirer sur ses racines, inlassablement. Pas facile. Elles étaient bien ancrées. L’aîné continuait à gronder et depuis peu, une autre voix s’était ajoutée, venant du sol. « Moi, j’ai été déraciné une nuit de tempête et depuis, je suis là, couché tout du long. Je voudrais tellement sentir à nouveau le vent dans mes branches et le frémissement de mes feuilles. »
Il les écoutait mais ne se décourageait pas. Il continuait à tirer sur ses racines.
Des jours, des nuits plus tard, il se sentit enfin bouger. Merveilleux ! Il s’élança, voltigea, tournoya…. S’affala. Juste à côté de l’autre tronc.
Aujourd’hui, à cet endroit, des années plus tard, vivait une forêt. Étrangement, d’un tronc d’arbre à demi déraciné avaient poussé de multiples petits arbres qui eux-mêmes avaient essaimé, s’étaient répandus, avaient accueilli d’autres essences et s’étaient rapprochés … du groupe d’arbres au loin.
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